LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Une œuvre gigantesque de 33 mètres x 2 mètres.
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Le grand critique d'art Max-Pol Fouchet, pressenti à la succession d'André Malraux au Ministère
de la Culture, est si impressionné par la peinture de Manesse qu'il l'invite chez lui, à Vézelay
et lui fait lire le livre de Gustave Flaubert La tentation de Saint Antoine.
Bouleversé, Manesse réalise une peinture de 33 mètres de long qui sera exposée à Vézelay, dans la cathédrale d'Aix en Provence et dans l'Abbaye de Moissac.
Max-Pol est tellement séduit par cette œuvre monumentale qu'il exprime son désir de l'exposer à Beaubourg.
Malheureusement, sa mort prématurée empêche la réalisation du projet.
La Tentation de Saint Antoine - représentation du choix par l'âme humaine entre perdition et Salut - est la toile la plus grande du monde après "La Fée Electricité" (600m2 - 1936) de Raoul Dufy.
Réalisée à Vézelay en 1978, elle est inscrite au livre des records.
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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Par Max-Pol Fouchet Critique d'art
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Qu'un artiste de notre siècle se soit senti appelé
par l'un des grands thèmes de l'iconographie chrétienne,
longtemps générateur de chefs d'œuvre, voilà
qui mérite, préalable à l'examen esthétique, la réflexion.
Si la tentation de Saint Antoine se manifeste avec fréquence dans l'art du Moyen Age,
c'est en raison de sa signification interne.
Le spectacle dépeint par l'image offre une leçon non spectaculaire.
A travers les récits de la Légende dorée et de Saint Athanase, les tourments
de l'Anachorète se réduisent à une seule épreuve :
le choix, pour l'âme humaine, entre la perdition et le Salut.
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Vers la fin du XVe siècle, Jérôme Bosch, dans son deuxième grand triptyque,
de nos jours à Lisbonne, usait du sujet pour dénoncer la sorcellerie et ses adeptes.
Représentant pour la première fois, la nuit du sabbat, avec ses créatures volantes
et son bestiaire de cauchemar, il centrait la fête fantastique sur les figures de l'Ermite et du Christ.
L'œuvre, gigantesque fond où s'agitent des hybrides,
toute emplie de scandaleuses métamorphoses, devenait une oniromancie des deux valeurs adverses.
Le thème, loin de se limiter à une apologétique précise,
appartient à tous les hommes et nous concerne ici et maintenant.
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Claude Manesse paraît avoir compris son sens éternel, son immanence.
Homme d'un temps en quête, selon la formule de Kandinsky, du spirituel dans l'art,
il ne pouvait se contenter de la représentation d'une scène, si chargée de symboles fût-elle.
La Tentation, pour cet artiste de l'âge freudien, trouve ses ressources dans les vagues obscures de l'être.
Le large mouvement sinusoïdal que son œuvre présente sur la longueur suggère le déferlement de nos pulsions.
La Croix et la Figure Salvatrice y apparaissent, dans une conclusion non conclusive,
comme un mât de navire en détresse et comme le souffrant fanal d'un possible port.
En cette écume ici trouée de lumière, là noyée de ténèbres,
les visages qui s'esquissent semblent ceux de rescapés,
ou plutôt de témoins de ces marées noires dans lesquelles meurent les oiseaux.
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De ce point de vue, nous tenons pour capital le moment où des personnages de premier plan,
un enfant et un couple de vieillards surgissent en tête du cortège qui les suit.
Sont-ils sauvés d'un déluge ? Le flot s'est-il retiré devant eux
pour les sauver des pharaons d'aujourd'hui ? Leur nudité serait-elle des morts le jour du Jugement.
Le vieux thème de la Tentation est toujours d'une actualité brûlante puisqu'il nous montre
combien nous fûmes souvent, nous hommes du XXe siècle, les serviteurs de César,
et non ceux, inconditionnels, de l'homme.
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Entreprise à Vézelay, dans la proximité d'une basilique romane, l'œuvre de Manesse demande un cheminement comme en une nef.
Elle veut notre participation à sa puissante expression picturale, au romantisme de sa couleur et de sa vision.
Nous ne saurions seulement demeurer devant le poème. Il faut pénétrer en lui pour nous y découvrir.
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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Par Micheline Durand Conservatrice en chef - des Musées d'Art et d'Histoire d'Auxerre
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En 1874, Gustave Flaubert publie la dernière version de La Tentation de Saint Antoine dont il disait :
"C'est l'œuvre de toute une vie".
Chef-d'œuvre romantique qui a enchanté Huysmans ou "mascarade luxuriante et confuse", comme le dira Renan ?
Il n'en reste pas moins que, pendant trente années, l'ermite du désert en proie à ses visions, à ses "tentations",
accompagnera Flaubert, depuis la description très précise qu'il avait notée d'un tableau de Breughel en 1845
et dont il a très vite imaginé faire une pièce de théâtre, jusqu'à l'achèvement de l'œuvre dans un contexte de désastre politique et de désarroi familial.
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La lutte d'un homme dans sa quête du bien contre Satan, symbole du mal, n'est pas nouvelle
- ni propre au christianisme - et les époques de tumulte social et spirituel ont souvent amplifié
les formes exacerbées d'aspiration au salut.
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Mais les représentations les plus importantes concernent le prodigieux spectacle des tentations, les grandioses mirages des hallucinations,
les troublants attraits des péchés capitaux, qui ne pouvaient que séduire les artistes :
citons pour mémoire Breughel, Bosch, Le Tintoret,
Véronèse, Schongauer, Grünewald, mais aussi Odilon Redon ou James Ensor.
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En 1978, Claude Manesse, à partir de la lecture de Flaubert, réalise une œuvre monumentale dans la salle romane de Vézelay, redéployant
toutes les forces de ténèbres et de lumières qu'affronte Saint Antoine
dans son combat intime et permanent, Saint Antoine, qui, comme Job, se plaint de l'absence de Dieu,
Saint Antoine à qui le Christ de la Légende Dorée s'adresse ainsi :
"Antoine, j'étais ici, mais je restais te regarder combattre ;
or, maintenant que tu as lutté avec vigueur, je rendrai ton nom célèbre dans tout l'univers".
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